Les autorités danoises tirent la sonnette d’alarme : la consommation de cannabis chez les jeunes conducteurs est en hausse, et ses conséquences sur la sécurité routière deviennent préoccupantes. Si les dangers de l’alcool au volant sont largement connus, ceux liés aux stupéfiants restent moins identifiés. Résultat : près d’un tiers des accidents graves impliquant des conducteurs sous influence concernent des jeunes âgés de 17 à 24 ans, un chiffre qui témoigne d’un véritable aveuglement générationnel face au risque.
Pour enrayer cette tendance, le Danish Road Safety Council, en collaboration avec l’agence créative Worth Your While, a lancé une campagne audacieuse intitulée “Op i røg” (“Parti en fumée”). L’objectif : sensibiliser sans culpabiliser, en utilisant un langage visuel qui parle directement aux jeunes.
Un permis qui se consume… comme un joint
Au cœur de cette initiative, un objet inattendu : un paquet de feuilles à rouler reproduisant l’apparence d’un véritable permis de conduire danois. L’idée est simple et percutante : symboliser physiquement la perte potentielle de son permis lorsqu’on choisit de conduire après avoir consommé du cannabis. Remis à la presse et aux influenceurs, ce faux permis à rouler crée un choc immédiat : allumer un joint revient, symboliquement, à brûler son droit de conduire.
Ce geste incarne une réalité souvent méconnue : au Danemark, être contrôlé positif au cannabis entraîne une suspension de permis pouvant aller jusqu’à trois ans. Une sanction lourde, qui bouleverse le quotidien, la mobilité et parfois même les projets professionnels. La campagne transforme ainsi une règle abstraite en un message concret, vécu du bout des doigts.
Des films animés pour raconter des histoires vraies sans dramatisation
Pour renforcer ce dispositif, deux courts-métrages d’animation illustrent les trajectoires de jeunes dont la vie a basculé après une décision impulsive. Le réalisateur Jack Brown adopte une esthétique brumeuse, dominée par des tons verts, pour évoquer la confusion et la désorientation induites par le cannabis.
Dans “Chase”, un jeune convaincu d’être maître de la situation grille un feu rouge et se retrouve face à la justice, sous le regard dévasté de sa mère. “HotBox” suit une jeune femme arrêtée quelques secondes seulement après avoir pris la route, découvrant brutalement l’impact durable de son choix sur sa liberté. Ces récits, inspirés de cas réels, montrent comment un moment d’insouciance peut se transformer en perte d’indépendance.
Une stratégie pensée pour toucher les jeunes là où ils sont
L’efficacité de la campagne repose aussi sur une diffusion massive et ciblée : plateformes de streaming, jeux mobiles, réseaux sociaux comme Snapchat ou Instagram, et même écrans dans les établissements scolaires. L’objectif est de rencontrer les jeunes dans leur univers quotidien, sans discours moralisateur, mais avec une question simple : Est-ce que ça vaut vraiment le coup ?
Cette approche s’inspire de stratégies de dissuasion éprouvées dans la prévention de l’alcool au volant : ce n’est pas la peur qui fonctionne, mais la matérialisation d’un risque souvent invisible. Comme le souligne Lukas Lund, directeur créatif de Worth Your While, il faut parfois une idée « juste assez folle » pour briser l’indifférence et ouvrir un dialogue.
Une créativité au service de la sécurité routière
Cette campagne danoise rappelle d’autres initiatives marquantes, comme l’opération de la SAAQ au Québec, qui avait lancé des chips au goût… d’accident de voiture pour sensibiliser aux dangers sur la route. Des concepts provocateurs, certes, mais qui frappent les esprits et interpellent ceux qui se sentent peu concernés par les messages traditionnels.
Au Danemark, la transformation du permis en feuille à rouler fait exactement cela : elle oblige à regarder en face un risque trop souvent banalisé. Une idée aussi inventive qu’efficace pour rappeler que, derrière un geste anodin, peut se cacher une perte de liberté bien réelle.
