Et si la mort ne mettait plus fin aux conversations ? C’est le pari audacieux de HER, une start-up française qui ambitionne de faire dialoguer les vivants avec les voix de leurs proches disparus. Un projet à la croisée de la mémoire, de la technologie et de l’émotion.
Cet été, la société française HER lance un petit objet aux grandes ambitions : Memories, un boîtier intelligent qui enregistre, conserve et restitue la voix d’un être cher, même après sa disparition. Grâce à l’intelligence artificielle, l’appareil permet de créer un double vocal numérique fidèle, capable d’interagir en temps réel à partir des souvenirs collectés du vivant de la personne.
Un galet high-tech pour capturer la mémoire humaine
Le dispositif se présente sous forme d’un petit galet au design sobre. Avant tout, il fonctionne comme un confident. À travers une centaine de questions orales posées à son utilisateur, Memories enregistre non seulement la voix, mais aussi les souvenirs, les opinions, les anecdotes personnelles, et même les tics de langage. L’ensemble de ces données est ensuite stocké dans un cloud sécurisé situé en France.
Une fois le processus achevé, deux options s’offrent aux proches : accéder à des enregistrements audio conservant la voix réelle du défunt, ou activer une intelligence artificielle capable de dialoguer avec les vivants en imitant avec une précision troublante le ton, les expressions et les souvenirs de la personne disparue.
Entre hommage et lien émotionnel prolongé
Derrière cette technologie se trouve une ambition profonde : prolonger le lien affectif au-delà du deuil. Selon Mattéo Boso, fondateur de HER, Memories permet de transmettre la mémoire familiale à ceux qui n’ont pas connu certaines figures marquantes de leur arbre généalogique. Imaginez un petit-fils discutant avec une grand-mère qu’il n’a jamais rencontrée, écoutant ses récits d’enfance, ou lui posant des questions simples sur sa vie.
Le projet est actuellement testé par une cinquantaine de familles en France. À terme, la start-up souhaite démocratiser l’accès à cette capsule intergénérationnelle.
Une technologie accessible… mais encadrée
Le tarif d’entrée a été pensé pour rester abordable : 75 euros pour le boîtier, puis un abonnement mensuel à partir de 4,50 euros. La formule la plus avancée, permettant le clonage vocal en temps réel, est proposée à 19,99 euros par mois.
Toutefois, HER affirme encadrer strictement les usages. Aucun contenu inventé, aucun deepfake visuel, et un principe fondamental : l’IA ne répond que si la personne enregistrée a transmis une réponse à ce sujet. Dans le cas contraire, elle se contente d’un « Je ne sais pas ».
Des questions éthiques inévitables
Si la technologie fascine, elle inquiète aussi. Peut-on réellement faire son deuil si l’on continue à « parler » chaque jour avec une voix recréée ? La mémoire devient-elle illusion ? Et qu’en est-il du consentement posthume ? Du respect de la vie privée ? Des usages détournés ?
HER affirme que tout utilisateur doit consentir explicitement à l’enregistrement de sa voix et au traitement de ses données. Mais alors que l’intelligence artificielle redéfinit les frontières entre vie et mort, la législation reste floue, et le débat sociétal ne fait que commencer.
Quand la science-fiction rejoint notre quotidien
Inspirée du film Her de Spike Jonze, où un homme tombait amoureux d’une voix d’IA, la start-up HER ouvre une brèche technologique et émotionnelle inédite. En offrant une nouvelle manière de faire vivre les souvenirs, elle bouleverse notre rapport au deuil, à la transmission et à l’identité.
HER-Memories ne ressuscite pas les morts. Mais elle donne aux vivants un outil pour préserver, entendre, et parfois dialoguer encore un peu… avec ceux qui sont partis.
