Face à la montée inquiétante de l’extrême droite en Allemagne, l’agence de communication Jung von Matt et l’association hambourgeoise Laut gegen Nazis e.V. ont choisi une arme originale pour contrer le néonazisme : le droit de la propriété intellectuelle.
Depuis les élections fédérales de 2025, l’Alternative für Deutschland (AfD) s’impose comme une force politique majeure, obtenant près de 20,8 % des voix — un record depuis la Seconde Guerre mondiale. Particulièrement influent dans les Länder de l’Est, le parti voit ses idées radicales gagner en visibilité, tandis que les mouvances néonazies retrouvent un certain écho.
Dans ce contexte, Laut gegen Nazis e.V., association créée en 2004 pour combattre le racisme et l’antisémitisme, a collaboré avec Jung von Matt pour déposer la marque « Druck18 » — le nom de la plus grande boutique en ligne de produits néonazis en Allemagne. Cette démarche vise à interdire toute exploitation commerciale du nom, limitant ainsi le financement idéologique de l’extrême droite et bloquant la diffusion de ses messages haineux.
Dirigée par le militant néonazi Tommy Frenck en Thuringe, la plateforme Druck18 proposait des centaines d’articles à contenu raciste, antisémite ou révisionniste. Si le site original reste accessible, le dépôt de marque permet désormais de demander des injonctions judiciaires et des dommages et intérêts, créant un précédent légal dans la lutte contre l’extrémisme en ligne. Parallèlement, un site « concurrent » a été mis en ligne pour détourner le trafic et dénoncer les messages du portail initial.
Cette initiative s’inscrit dans la campagne « Rights Against the Right » (« Recht gegen Rechts »), une collaboration de longue date entre l’association et l’agence. Depuis deux ans, cette action a permis de neutraliser des codes néonazis comme « HKNKRZ », « HTLR » ou des références à la Wehrmacht, empêchant leur utilisation commerciale.
En combinant créativité stratégique et droit de la propriété intellectuelle, cette méthode innovante marque une première en Allemagne, et peut-être en Europe, dans la lutte symbolique et juridique contre l’extrémisme. Elle démontre qu’il est possible de contrer les idéologies de haine non seulement par l’éducation et la mobilisation citoyenne, mais aussi par des outils légaux et ingénieux.
